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Qu’est-ce que la supervision dans l'Église ?



Entretien croisé avec Catherine Buat, coach Talenthéo et superviseur, et Béatrix Bréauté, coach Talenthéo et directrice de l'Institut Talenthéo.


Qu’est-ce que la supervision ?


La pratique de la supervision s’étend naturellement aux personnes en responsabilité pour leur offrir cet espace de relecture, en totale confidentialité, afin de ne pas rester seules face à des situations complexes et continuer à se développer.

La supervision est une pratique déontologique pour les métiers de la relation d’aide -coachs, thérapeutes notamment- durant laquelle des situations professionnelles sont revisitées pour interroger et faire grandir l’accompagnant dans son identité et son professionnalisme. C’est un moyen précieux pour prendre de la hauteur sur la nature de la relation dans le respect de la déontologie.


Cette pratique permet de faire un pas de côté afin de relire des actes, des situations, des prises de position et les conséquences qu’elles impliquent pour l'autre. Aujourd’hui, la pratique de la supervision s’étend naturellement aux personnes en responsabilité pour leur offrir cet espace de relecture, en totale confidentialité, afin de ne pas rester seules face à des situations complexes et continuer à se développer.

Pourquoi parler de supervision ecclésiale ?


La solitude, la complexité du ministère, les risques d’abus inhérents au gouvernement révèlent l’urgence et l’importance de généraliser cette pratique pour les Évêques, Vicaires Généraux, Supérieurs de séminaires ou de communautés. En effet, “Souvent dans la vie consacrée, il peut exister une véritable confusion pour le gouvernant qui est en responsabilité hiérarchique sur sa communauté et qui en même temps exerce un rôle d’accompagnement pastoral ou fraternel auprès de ses frères ou sœurs.” explique Béatrix Bréauté, coach Talenthéo, directrice de l’Institut Talenthéo. C’est pourquoi, “Aujourd’hui, de nombreux responsables de communautés font appel à des superviseurs professionnels connaissant le contexte ecclésial, mais extérieurs à la communauté. Ces professionnels de la relation apportent leur éclairage professionnel sur des situations de conflit, de blocage ou d'organisation inhérents à tous systèmes.”


Chez Talenthéo, la supervision est ce lieu d'échange de pratique sous forme d’un dialogue réflexif avec un coach senior spécifiquement formé à cette approche. Elle permet de travailler sur l’identité personnelle, relationnelle et managériale du gouvernant pour en faire un lieu d’apprentissage. Cette pratique garantit également aux personnes gouvernées que leur gouvernant est capable d’une juste prise de distance pour se prémunir des jeux relationnels.


Quelles problématiques avez-vous déjà travaillées en supervision avec les religieux et prêtres ?

Différentes situations sont travaillées. Un vicaire général a travaillé sur la façon de résoudre une escalade relationnelle conflictuelle avec un confrère prêtre. Une supérieure de communauté a géré un conflit de loyauté entre la paroisse et sa communauté. Un prieur s’interroge sur la façon d’accompagner une victime d’abus. Pour un supérieur, le sujet est la façon de passer d’un système pyramidal avec un pouvoir hiérarchique décisionnaire à un système de collégialité et de subsidiarité où l’ensemble de la communauté peut donner son avis et construire son avenir, dans l’esprit de la règle et le respect du droit canon.


Quelle différence avec le coaching ?


“Le coaching contient des objectifs, des indicateurs de résultat et des actions à mettre en place. Chaque séance de coaching se termine le plus souvent, par : « Que vas-tu mettre en place ? Comment vas-tu t'y prendre pour … ? » etc. Là où le coaching est orienté résultats et actions, la supervision est un espace de réflexion sur sa pratique et son identité. Le coaching a un début et une fin sur une période de six à neuf mois, tandis que la supervision est permanente” explique Catherine Buat, coach Talenthéo et superviseur. Le seul objectif de la supervision est d'aider la personne à grandir au niveau professionnel et à prendre du recul. “C'est une démarche qui va permettre, avec un certain nombre d'outils, d’amener la personne à avoir une certaine prise de recul par rapport à une situation. Elle invite à prendre du temps pour regarder autrement ce que l’on a fait. Je me regarde pédaler, c'est ce qu'on dit souvent dans la supervision, et j'arrête d'être sur le vélo. De temps en temps, je descends, je regarde ce que je fais et je me regarde faire.” Prendre du temps avec soi-même pour réfléchir sur sa façon de faire n’est pas simple. Dans l’accélération du temps, face à la pression, la supervision avec un tiers permet déjà de poser un cadre où à date fixe, la personne va s’offrir ce temps de supervision qui peut être individuel ou en groupe, avec d’autre professionnels vivant une responsabilité analogue.


Et en quoi la supervision pourrait être intéressante pour l'Église ?


“Il y a un véritable intérêt de supervision pour toutes personnes en situation d’autorité dans l’Eglise, et donc en responsabilité relationnelle. S’arrêter dans un espace sécurisé, oser poser un regard de réflexivité sur sa façon d’exercer sa mission, interroger sa manière d’agir et d’être en relation témoigne que le gouvernant ne prend pas sa charge à la légère mais qu’il s’éprouve comme responsable des conséquences relationnelles pouvant intervenir dans son rapport aux autres.” poursuit Béatrix Bréauté. “La supervision est une invitation à lire autrement les situations, à identifier les angles morts et à avoir d'autres interprétations possibles de ce qui est vécu ou a été vécu.” ajoute Catherine Buat.


“La supervision pour les responsables de communauté a un effet miroir. Elle est aujourd’hui indispensable pour celui ou celle qui accepte ce service. Un responsable de communauté ne peut, aujourd’hui, pratiquer le service de l’autorité seul. Bien qu’il existe dans les communautés, des lieux de régulation du pouvoir tels que les conseils, la prudence requiert que les responsables de communauté disposent d’un espace individuel ou collectif externe pour poser ce qui les habite : doutes, questionnements intérieurs, déceptions, frustrations…


La supervision ne prétend pas apporter une réponse aux questions posées mais elle offre un espace de relecture et de discernement à la liberté de chacun. Elle ne remplace évidemment pas l’accompagnement spirituel qui vise le discernement en vue de la croissance vers la sainteté de chaque baptisé.

La supervision ne court-elle pas le risque de tout réduire à un niveau humain oubliant la dimension spirituelle voire mystique du sacerdoce ou de la consécration ?


La supervision ne prétend pas apporter une réponse aux questions posées mais elle offre un espace de relecture et de discernement à la liberté de chacun. Elle ne remplace évidemment pas l’accompagnement spirituel qui vise le discernement en vue de la croissance vers la sainteté de chaque baptisé. Le travail sur le gouvernement, avec des compétences professionnelles, est absolument nécessaire pour un juste rapport entre la Nature et la Grâce : ne s’en tenir qu’à un pseudo abandon à la grâce, serait une forme de spiritualisme niant l’exercice de l’intelligence, des talents et des compétences voulus par Dieu.


« De fait, la consécration à Dieu avec notamment le vœu d’obéissance, doit être bien intégré pour que l’exercice et la réception de l’autorité soit un acte de responsabilité pour ceux qui ont choisi de suivre le Christ, pauvre, chaste et obéissant.” conclut Béatrix Bréauté. C’est pourquoi, il semble important que la supervision ecclésiale de religieux et prêtres soit réalisé par superviseurs professionnels, connaissant bien le contexte ecclésial avec un minimum de formation théologique sur le sacerdoce et la consécration. A ces conditions, la supervision sera une pratique hautement bénéfique pour la croissance des gouvernants et la fécondité du ministère et des communautés.

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