Depuis quinze ans, Talenthéo, le réseau de coachs chrétiens, accompagne bénévolement les prêtres mais aussi des évêques, religieux et religieuses. Sa pérennité et ses interventions régulières dans les diocèses témoignent d’un changement de culture progressif où accepter de se faire aider n’est plus un tabou.
Article paru dans La Croix par Arnaud Bevilacqua Publié le 16/04/2021 à 15:19
Prêtre depuis trente-trois ans, le père Vincent Di Lizia se livre avec retenue. Il raconte, sans s’étendre, la situation de blocage rencontrée dans la paroisse dont il avait la charge. « Je ne savais pas comment m’en sortir », reconnaît ce prêtre sexagénaire du diocèse de Reims, évoquant des « difficultés relationnelles ».
Une réponse à un besoin
Démuni, « au fond du gouffre » même, il s’ouvre à son archevêque Mgr Eric de Moulins-Beaufort qui lui parle du réseau de coaching Talenthéo, auquel il a lui-même eu recours en 2013. D’abord circonspect, le père Vincent Di Lizia se laisse convaincre et suit une session individuelle au rythme d’une rencontre par mois pendant six mois.
« Je n’avais jamais entendu parler de coaching dans l’Église, concède-t-il. L’habitude pour un prêtre qui affronte un problème, c’est plutôt de se confesser, d’en parler à son accompagnateur spirituel et de faire un effort. Mais, cela ne m’a jamais satisfait. »
Depuis quinze ans, le réseau de 80 coachs professionnels chrétiens Talenthéo tente de répondre à ces situations en accompagnant les prêtres, comme d’autres mais avec une connaissance de l’Église en plus. Convaincu de « répondre à un besoin », Olivier, le fondateur, ne propose pas des solutions toutes faites mais des outils, pour compléter la formation des pasteurs, souvent peu préparé à animer une équipe, lancer des projets, savoir dire des choses difficiles…
Accepter de se faire aider
C’est exactement le constat qui a conduit le père Jean-Eudes Gilbert, 46 ans, curé de la paroisse de Cormeilles-en-Parisis (Val-d’Oise), à solliciter Talenthéo, à travers la formation baptisée « Des pasteurs selon mon cœur »en collaboration avec l’association Alpha. Alors, jeune curé, il ressent la nécessité de faire évoluer sa première paroisse, sans savoir par où commencer.
« Je me suis retrouvé à la tête de 80 bénévoles avec un petit budget de 100 000 €, alors que j’avais une formation en histoire et en théologie, pointe-t-il. J’ai la conviction que des techniques de management permettent d’être un peu plus chrétien dans la manière de diriger les paroisses. » Il a fait appel à Talenthéo à deux autres reprises pour son regard à la fois extérieur mais chrétien : d’abord en arrivant dans sa paroisse actuelle de Cormeilles-en-Parisis pour l’aider à lancer une dynamique puis pour constituer un groupe de coaching avec quatre autres prêtres du diocèse de Pontoise.
Autant dire que le père Jean-Eudes Gilbert n’a aucun complexe à assumer d’avoir besoin de se faire aider. Il incarne en cela un changement de culture à l’œuvre dans l’Église. « Des résistances demeurent marquées par une méfiance de tout ce qui sort du strictement ecclésial mais, selon moi, le mouvement est irréversible », pense-t-il, alors que Talenthéo anime désormais quelques sessions dans les séminaires.
Lutte contre le cléricalisme
Une culture qui gagne aussi les congrégations religieuses. Quand sœur Anne est devenue maîtresse des novices de l’abbaye de Jouarre (Seine-et-Marne), elle n’a pas hésité à demander une formation : une « évidence ». En compagnie d’une vingtaine de religieux et de quelques prêtres, elle a suivi une formation adaptée aux religieux et religieuses, « l’institut Talenthéo », pendant deux ans, dont elle ressort plus confiante et mieux armée.
« Dans l’Église, nous voyons une réelle prise de conscience sur le fait que la relation ne s’improvise pas », assure la religieuse, qui explique que pendant longtemps « la grâce du Seigneur » était présentée comme le seul soutien. En acceptant de se faire aider par des professionnels, non-prêtres, le père Vincent Di Lizia voit d’ailleurs un moyen concret de lutter contre le cléricalisme. « Ce n’est pas la réponse à tout, évidemment, mais l’Église vit dans le monde et ne doit pas s’enfermer, plaide-t-il. J’ai été accompagné par une coach. C’était la première fois que je me livrais aussi profondément à une femme. »
« Transformation pastorale »
L’imprégnation de méthodes de coaching issues du monde de l’entreprise au sein de l’Église est aussi facilitée, ces dernières années, par l’engagement de certains évêques. Ainsi, à Reims, Mgr de Moulins-Beaufort a sollicité Talenthéo pour accompagner ses prêtres dans un nouveau projet diocésain.
Le réseau met de plus en plus l’accent sur la « transformation pastorale », un concept qui a le vent en poupe dans l’Église de France. Récemment, il est notamment intervenu dans le diocèse de Montpellier, de Nantes ou encore de Soissons et fait le constat en quinze ans d’une prise en compte et d’une demande en hausse d’accompagnement. Sans prétendre détenir de solution miracle, l’équipe de Talenthéo travaille particulièrement autour d’une question aussi lancinante que cruciale : avec moins de prêtres, comment faire autrement ?
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Un réseau de 80 coachs professionnels chrétiens
Fondé en 2005, le réseau de 80 coachs professionnels chrétiens a commencé ses formations en 2006. L’association de laïcs accompagne « bénévolement » prêtres, évêques, supérieurs de congrégations et leurs équipes « pour renforcer leur vision et leur leadership pastoral au service de l’Église ».
Depuis quinze ans, Talenthéo a accompagné plus de 3 000 prêtres, évêques et religieux venant de 60 diocèses de France mais aussi de Belgique, de Suisse et de Hong Kong.
Le réseau propose une offre diversifiée entre coachings individuels et d’équipes, formation ou encore accompagnement de la transformation pastorale. En mars, il a aussi animé une session de prévention des abus à destination des prêtres du diocèse de Rouen.
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