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Vers une ecclésiologie de communion



Laurent Landete est directeur général du Collège des Bernardins. Il a été nommé par le Saint-Siège membre du Dicastère pour les Laïcs, la Famille et la Vie en 2018 puis vice-délégué pontifical pour l'œuvre des Foyers de charité en 2022. Il a été modérateur général de la Communauté de l'Emmanuel de 2009 à 2018. Il est intervenu lors de notre Université d'été pour un temps d'enseignement et d'échange sur l'ecclésiologie de communion. Nous vous partageons une retranscription de son intervention.


La question de l'ecclésiologie de communion est un thème central que je voudrais aborder sous plusieurs facettes au travers de mon expérience avec l'Emmanuel et du dicastère avec, dans un premier temps, un regard plus théologique et canonique éclairé par le terrain et, dans un deuxième temps, à travers ce que l'on travaille aujourd'hui dans l'Eglise.


Il me semble tout d'abord important de rappeler que le Concile Vatican II présente l'Eglise comme le peuple de Dieu rassemblant tous les fidèles du Christ c'est-à-dire l'ensemble du peuple des baptisés. Ce concile a promu le renouveau de la grâce baptismale en partant de la question du renouveau de l'appel à la sainteté de tous les baptisés. Les hommes ne reçoivent pas la sanctification séparément hors de tout lien mutuel ; tous les baptisés sont appelés à porter ensemble le témoignage du Christ sur la terre quels que soient leurs états de vie.


L'importance de la prière


Dans sa lettre d'introduction au nouveau millénaire Novo Millennio Ineunte, Saint Jean-Paul II nous rappelle que le grand défi qui se présentera à nous en ce troisième millénaire est de faire de l'Eglise la maison et l'école de la communion. Il nous rappelle également l'importance de la prière : " Ne nous faisons pas d’illusions : sans ce cheminement spirituel, les moyens extérieurs de la communion serviraient à bien peu de chose. Ils deviendraient des façades sans âme, des masques de communion plus que ses expressions et ses chemins de croissance." Nos communautés doivent être des écoles de communion mais elles ne peuvent l'être que si elles sont également des écoles de prière. Le Pape Jean-Paul II nous invite à ce que nos moments de prière soient des temps de silence, d'écoute active, de dialogue avec le Seigneur, et d'intercession avec le monde. Cette communion n'est pas le fruit d'une relation intramondaine ou d'un processus psychologique, elle se reçoit de Dieu Lui-même.


Pour parler de la communion nous sommes invités à nous mettre dans une posture de contemplation de la Trinité elle-même qui est communion. " Une spiritualité de la communion consiste avant tout en un regard du cœur porté sur le mystère de la Trinité qui habite en nous, et dont la lumière doit aussi être perçue sur le visage des frères qui sont à nos côtés. Une spiritualité de la communion, cela veut dire la capacité d’être attentif, dans l’unité profonde du Corps mystique, à son frère dans la foi, le considérant donc comme « l’un des nôtres », pour savoir partager ses joies et ses souffrances, pour deviner ses désirs et répondre à ses besoins, pour lui offrir une amitié vraie et profonde."


Se tourner vers l'autre


“Une spiritualité de la communion est aussi la capacité de voir surtout ce qu’il y a de positif dans l’autre, pour l’accueillir et le valoriser comme un don de Dieu : un « don pour moi », et pas seulement pour le frère qui l’a directement reçu.” poursuit le pape. C'est le premier pas pour sortir des questions de pouvoir qui vont aller à l'encontre de la communion. Il nous invite à « donner une place » à son frère, en portant « les fardeaux les uns des autres » (Ga 6,2) et en repoussant les tentations égoïstes qui continuellement nous tendent des pièges et qui provoquent compétition, carriérisme, défiance, jalousies.” qui sont des atteintes profondes à la communion.


Revenir à la source du Concile Vatican II


Le Pape Benoît XVI au moment de la remise de sa charge a dit à son clergé : " le thème central du concile Vatican II, c’est la communion et cinquante ans après le concile (…) nous voyons apparaître le vrai concile dans toute sa force spirituelle. "


Les principales entraves à la communion


Une mauvaise compréhension du sacerdoce commun et du sacerdoce ministériel

Lumen Gentium 10 affirme que le sacerdoce ministériel est au service du sacerdoce commun des baptisés pour les mener vers la sanctification. Une attention particulière doit être portée sur le fait de considérer le laïc comme étant au service de l'Eglise. La mission du laïc est d'être dans le monde et la mission de l'Eglise est de le guider vers sa sanctification pour que lui-même sanctifie le monde. Dans des logiques de pouvoir et de possession, la communion ne peut pas se déployer, elle est entravée.


Beaucoup de problèmes rencontrés par des communautés en difficultés aujourd'hui sont des problèmes d'ecclésiologie. Quand il y a un problème d'ecclésiologie, il y a un problème de pouvoir, de service, de confusion des genres et finalement une hypertrophie de la paternité.

Une hypertrophie du sacerdoce et de la paternité

L’hypertrophie du sacerdoce et de la paternité sont des entraves à l'ecclésiologie et à la spiritualité de communion. Beaucoup de problèmes rencontrés par des communautés en difficultés aujourd'hui sont des problèmes d'ecclésiologie. Quand il y a un problème d'ecclésiologie, il y a un problème de pouvoir, de service, de confusion des genres et finalement une hypertrophie de la paternité.


La paternité du prêtre n'est pas une paternité de condescendance ni d'infantilisation, c'est une paternité qui relève et s'efface pour faire et laisser grandir.

Le père est celui qui est tout, qui fait tout mais n'oublions pas que dans cette paternité ecclésiale, les prêtres sont des pères d'adultes et non d'enfants. La paternité du prêtre n'est pas une paternité de condescendance ni d'infantilisation, c'est une paternité qui relève et s'efface pour faire et laisser grandir. Il ne peut y avoir de communion si il y a une confusion de ce qu'est la paternité. Il nous faut veiller à promouvoir une paternité d'adultes et les pères de famille ont une vocation particulière dans l'Eglise aujourd'hui pour en témoigner. Ce qui nous fait pères, c'est l'offrande de nos vies et l'effacement que nous avons à faire grandir celui qui pousse devant nous. Cette hypertrophie réduit l'Eglise à une instance d'exercice du pouvoir et de la domination qui est la racine des abus. Là où j'ai pu constater les abus les plus graves, c'est là où l’on a donné à la paternité une dimension totalement faussée.


Ce positionnement confus et ces rapports au pouvoir ont souvent pour conséquence une perte d'énergie et de temps dans des tensions qui nous détournent de la mission pour nous perdre dans des problèmes internes. On passe d'une préoccupation des questions ecclésiales nécessaire à celle des questions ecclésiastiques. Comme le souligne le Cardinal André Vingt-Trois : "Le challenge à surmonter provient d'un héritage historique particulier où le ministère sacerdotal constituait d'une certaine façon une catégorie sociale différente des autres chrétiens. Le rapport de la responsabilité pastorale du prêtre à l'égard de la communauté chrétienne à laquelle il était envoyé était perçu comme quelque chose plus de l'ordre de l'autorité hiérarchique que de l'ordre de la communion. " Comment peut-on faire évoluer cette relation ? La responsabilité hiérarchique on la voit facilement, la communion sacramentelle on la voit moins facilement et lorsqu'on met en évidence un type de relation plus fraternel, c'est au dépend de la relation hiérarchique. Donc la question de la collaboration des laïcs avec les prêtres mais aussi de ce type de communion qui existe entre eux, est la question centrale de l'évolution de l'Eglise. Si l’on ne se reçoit pas de la communion trinitaire, on va proposer une communion sans âme. La spiritualité de communion se reçoit d'une authentique vie spirituelle et d'un renouveau de la sainteté.


Une “psychologie de la survie”

Le Pape François dit très justement qu'une des tumeurs de l'Eglise est la tentation de la survie : "ce mal nous enferme lentement dans nos maisons, dans nos schémas, il nous projette en arrière dans des exploits passés qui au lieu de susciter la créativité prophétique, cherche des raccourcis pour les fuir et pour fuir les défis d'aujourd'hui qui frappent à nos portes. La psychologie de la survie fait en sorte que nous voulons davantage protéger les espaces, les édifices, les structures que rendre possible les nouveaux processus. La tentation de la survie nous fait oublier la Grâce, elle fait de nous des professionnels du sacré mais non des pères, des mères, des frères de l'espérance que nous avons été appelés pour prophétiser."



Une synodalité virtuelle

Il ne faut pas confondre synodalité et processus mondains. On a la tentation de mondaniser l'Église, d’en faire une structure de pouvoir où l'on cherche des leaders avant de rechercher des Saints, ce qui est extrêmement dangereux. Le Pape François donne des clefs dans son discours lors du cinquantenaire du synode des évêques en octobre 2015. Il rappelle qu'il ne peut pas y avoir de synodalité si il n'y a pas un peuple en marche qui se reçoit de Dieu et s' il n'y a pas de communion, d'écoute, de participation, ni de mission tournée vers le monde. La vocation de l'Eglise n'est pas de servir sa propre institution.


La synodalité n'est pas une question de démocratie participative, c'est un peuple en marche qui résout ses problèmes à la lumière de la parole de Dieu qui est la source de toute vie. Quand on vit et prie avec la parole de Dieu, c'est le Christ qui surgit. Cette question du surgissement du Christ dans les problèmes que nous vivons aujourd'hui ne pourra se vivre qu'à l'écoute de sa parole.


Le temps de la communion

L'ecclésiologie de communion ce n'est ni le temps des clercs ni celui des laïcs, c'est celui de la communion. Le prophétisme que l'Eglise peut aujourd'hui offrir à la société c'est la communion. Par cette vie trinitaire, elle nous montre comment exercer la miséricorde, comment aimer les gens comme ils sont et là où ils en sont. Les changements majeurs de l'Eglise ne pourront se produire que dans la relation avec le Christ. C'est en cultivant un attachement personnel avec Lui et l'Esprit Saint que nous pourrons faire communion.


"Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. "

Gaudium et Spes


 


Les 4 clefs de la communion :

- Un attachement au Christ

- Un attachement à la parole de Dieu

- Un attachement au dialogue

- Un attachement à la mission


La finalité de l'ecclésiologie de communion c'est de prophétiser sur le monde. Nous sommes un peuple en marche pour le monde, invité à se tourner vers le monde et vers nos frères.






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